Choc de compétitivité : vers une autre voie ?

Licenciements, délocalisations et baisse du coût du travail sont des remèdes pour améliorer la compétitivité. Les résultats n’étant pas toujours à la hauteur des espérances, n’est-il pas possible d’y associer une autre voie ? Une voie qui ne relève pas du remède miracle, mais de multiples ajustements, basés sur un grand principe : le juste équilibre ! De nombreux exemples montrent, en effet, que le succès survient lorsque l’entreprise est un subtil alliage fait d’un double équilibre : un équilibre économique et un équilibre humain.

L’entreprise, un équilibre économique

Dans de nombreuses entreprises, il semble naturel de pousser au maximum l’utilisation des ressources disponibles, que ce soient des machines ou des employés. L’idée sous-jacente est qu’en maximisant l’utilisation des ressources, on diminue automatiquement les coûts de production ou de service. Passée une certaine limite, cette approche devient rapidement contre-productive.

Prenons l’exemple d’une boulangerie : constatant que le personnel de caisse passe seulement 70 % de son temps à servir les clients, et 30 % du temps restant à attendre qu’un client arrive, nous décidons de licencier l’un des employés afin de reporter sa charge de travail sur les autres et d’accroître les profits. Quel résultat obtiendrons-nous immanquablement aux heures de pointe ? Une file d’attente et des erreurs commises par les employés débordés. Les clients, devenus mécontents, iront à la concurrence et donneront une mauvaise image de l’entreprise. Un coût total qui sera probablement bien plus important que l’économie d’un employé.

Un équilibre doit être trouvé entre le coût des ressources et les coûts induits par l’utilisation excessive de ces mêmes ressources [1]. Parmi ces coûts induits, celui du stress professionnel en France est estimé par le B.I.T. [2] entre 3 et 4 % du PIB.

L’entreprise, un équilibre humain

La performance chez l’être humain passe par la connaissance d’un point d’équilibre

Si on revient à la physiologie, on se rend compte que la plupart de nos fonctions peuvent tendre vers un optimal, mais si on dépasse ce point, les capacités s’effondrent. Ainsi, si on augmente la fréquence cardiaque d’un individu, son débit sanguin va augmenter jusqu’à une certaine fréquence. Si on dépasse cette fréquence, le débit sanguin va s’effondrer et le patient se retrouvera en insuffisance cardiaque.

Si ce juste équilibre existe au niveau de l’humain, il doit être reflété dans son travail

Si l’on se réfère aux travaux de Mihály Csíkszentmihályi, l’état de flow qui correspond à un état de concentration optimale, s’obtient si l’on fixe des objectifs juste au-dessus des compétences du collaborateur. Si l’on fixe l’objectif trop haut, le collaborateur est victime de stress et la performance chute. Si l’on établit le niveau de l’objectif en dessous des compétences du collaborateur, celui-ci s’ennuie et ne connaît ni bien-être, ni performance.

Comment pratiquer ces équilibres en entreprise ?

Concentrez votre effort sur la réduction des files d’attente

Plutôt que de réduire les coûts par la diminution des effectifs, préférez la suppression des coûts cachés dans les files d’attente. Veillez à anticiper les fluctuations naturelles de la demande pour éviter le cercle vicieux de la réduction d’effectif qui fait perdre des clients et qui exige une nouvelle réduction. Enfin, regardez toutes vos files d’attente, aussi bien la pile de dossiers en attente, les tâches commencées, mais non terminées, les emails non lus ou l’accumulation de propositions dans une boîte à idées.

Sur ces principes, Toyota cherche continuellement à se rapprocher d’une production en flux : “produire ce qui est nécessaire, quand cela est nécessaire et pour la quantité nécessaire” [3] ; Corbis, sous le leadership de David J. Anderson, “a limité la quantité de travail en cours des équipes [informatiques] et a favorisé la création d’un flux continu de valeur pour le client” [4].

Assurez-vous que le management crée les conditions de la réussite des employés

L’aventure humaine d’une entreprise exige de respecter les équilibres des employés. Est-ce que les équilibres plaisir/stress, objectif/compétence, liberté/contrainte sont respectés dans votre organisation ? Ne sous-estimez pas les coûts cachés d’un excès de contrôle et d’un repli de la motivation. Supprimez les règles inutiles, faites simple, prenez soin des employés, trouvez, au-delà du profit, votre rêve qui guide cette aventure humaine.

Sur ces bases, HCL Technologies place “Les employés d’abord, les clients ensuite” [5] ; FAVI considère que l’homme est bon [6] et cherche la performance par le bonheur de chacun [7] ; Microsoft et Green Cargo ont mis en place le principe du flow [8].

Mais l’un ne va pas sans l’autre !!!

Le point d’attention peut être différent, mais les deux approches ne sont pas pour autant séparables. FAVI respecte les délais à n’importe quel coût [9]. David J. Anderson cherche à créer les conditions de la réussite des employés [10]. Toyota cultive le respect de ses employés et de ses clients. L’équilibre humain soutient l’efficacité économique et un travail quotidien adapté aux files d’attente naturelles favorise le succès de chacun. Les équilibres économiques et humains sont imbriqués l’un à l’autre.

Repenser l’entreprise dans ses fondamentaux

“On est en fin de course du capitalisme basé sur la consommation de biens domestiques. Ce n’est pas une crise, c’est une rupture. Ceux qui resteront dans le contrôle, la gestion par les chiffres et les structures pléthoriques ne survivront pas”, déclarait Jean-François Zobrist en 2011 [11]. Face à la concurrence mondiale, il est encore temps de repenser l’entreprise dans ses fondamentaux. Pour cela, nous disposons toujours de nombreux atouts : une main d’œuvre de qualité mondialement réputée, de prestigieuses écoles et une tradition de l’excellence. Ces spécificités, alliées à la recherche des équilibres économiques et humains, constituent nos meilleures armes pour créer un choc de compétitivité vital.

Les auteurs

Philippe Rodet, Bruno Chassagne, Alexis Nicolas.

Alexis Nicolas – blog YisY – transformer l’incertain en succès : http://yisy.wordpress.com/2013/02/03/choc-de-competitivite-vers-une-autre-voie/